De Rodney King à Alston Sterling : retour sur 25 années de crimes policiers aux États-Unis

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La mort le mardi 5 juillet d’Alston Sterling puis celle le lendemain de Philando Castille portait à 136, selon le Guardian, le nombre d’afro-américains abattus par la police en 2016. De quoi raviver de douloureux souvenirs…

Un homme noir abattu par un policier blanc. L’absence de poursuite ou l’acquittement de ce dernier. Des émeutes. Vingt-cinq ans après Rodney King, il semblerait que les crimes policiers soient toujours d’actualité et se déroulent (trop) souvent selon ce schéma. Les morts d’Alston Sterling et de Philando Castille, respectivement le mardi 5 et le mercredi 6 juillet, rappellent combien la communauté afro-américaine est sujette aux violences policières.

1991 : Rodney King roué de coups pour un excès de vitesse

Le 3 mars 1991 à Los Angeles, Rodney King, 26 ans, est arrêté par la police pour un contrôle routier suite à un excès de vitesse. Face à son refus d’obtempérer (il avait peur d’avoir une amende), quatre agents le passent à tabac face à d’autres collègues impassibles. Fort heureusement, la scène est capturée par un habitant du quartier qui filme pendant de longues minutes la violence des policiers. Il remet les images aux chaînes de télé qui les diffuseront, montrant ainsi à l’Amérique entière une réalité jusque-là peu montrée. Lors du procès, les policiers impliqués sont acquittés, ce qui a provoqué les émeutes de Watts, les plus importantes de l’histoire des États-Unis. Il a fallu un appel au calme de Rodney King himself pour calmer la situation !

VERDICT : acquittement

2012 : Trayvon Martin “armé” d’une bouteille de thé à la pêche et de bonbons

Si j’avais un fils, il ressemblerait à Trayvon Martin“, avait déclaré Barack Obama après la mort de l’adolescent de 17 ans, tué par George Zimmermann, vigile dans le quartier de Stanford en Floride, en 2012. Alors qu’il se rendait chez son père, le jeune homme est assimilé à un voleur par l’agent de patrouille, suite à une récente série de cambriolages dans la résidence. Face à une soit-disant menace, finalement avérée inexistante – Trayvon Martin n’avait pas d’armes sur lui, seulement un paquet de bonbons et une bouteille de thé à la pêche –, l’agent plaide la légitime défense. Une vague d’indignation parcourt le pays, jusqu’au sommet de l’État donc, et réveille la question du racisme dans le pays.

VERDICT : acquittement

2014 : Michael Brown “n’avait pas d’armes”

Mort à 18 ans. A Ferguson dans le Missouri, Michael Brown est abattu par un policier alors qu’il marchait, non-armé, dans la rue avec un ami. D’après l’officier de police, Michael Brown, suspecté d’un vol de cigarillos dans une supérette, l’aurait agressé et tenté de s’emparer de son arme. Une version contestée par de nombreux témoins. Selon eux, les deux jeunes hommes avaient les mains en l’air et auraient couru en voyant le policier sortir son arme. C’est à ce moment que ce dernier aurait commencé à tirer. Avant de mourir, Michael Brown a prononcé cette phrase : “Je n’ai pas d’armes, arrêtez de tirer“. Elle est depuis devenue le slogan du mouvement Black Lives Matter.

VERDICT : non poursuivi

2015 : Freddie Gray mort dans le camion de police

Une interpellation qui vire au drame. Le 12 avril 2015, Freddie Gray, 20 ans, vivant à Baltimore, est arrêté par la police. Elle l’accuse d’être en possession d’un couteau à ressort. S’en suit une arrestation musclée, où le jeune homme se retrouve pieds et mains liés. Sur le trajet, il est victime d’une fracture des cervicales. Pour le médecin légiste responsable de l’autopsie, c’est bien de la cause du décès. Explication : Freddie Gray n’avait pas sa ceinture de sécurité attachée… Et d’après le rapport, la blessure mortelle est “probablement” survenue “lorsque la camionnette de police (…) a brusquement décéléré.” Pour le médecin, la négligence des policiers qui n’ont pas bouclé sa ceinture à Freddie Gray relève de l’homicide et non de l’incident, avait-il conclu dans son rapport.

VERDICT : acquittement pour trois des six policiers impliqués.

2016 : deux morts en deux jours

Alston Sterling, le mardi 5 juillet à Baton Rouge en Louisiane. Philando Castille, le lendemain à Saint-Anthony dans le Minnesota. En moins de 24 heures, deux hommes noirs, tués sous les balles des policiers. Pour le premier, les agents sont intervenus suite à un appel anonyme : un homme avec un t-shirt rouge vendant des CD devant un magasin aurait menacé le plaignant avec un pistolet. Dans une vidéo prise par une passante – une deuxième, filmée sous un autre angle est publiée quelques heures après -, on voit les deux policiers mettre Alston Sterling sur le dos avant que l’un d’eux ne crie à son collègue : “Il a un flingue.” Ce dernier sort son arme de service et tire à plusieurs reprises, à bout portant. Alston décède sur le coup.

Philando Castille est en voiture avec sa femme et sa fille lorsqu’il est arrêté pour un phare cassé, selon son épouse. L’agent aurait demandé au conducteur de présenter son permis de conduire et les papiers du véhicule. Ce dernier, dans un soucis d’éviter un malentendu, prévient le policier qu’il possède une arme dans sa boîte à gants. En sortant sa main, le policier lui tire sur le bras. La suite est capturée par la femme de Philando Castille qui retransmet la scène en direct via Facebook. Dans la vidéo, on voit son époux, au t-shirt blanc plein de sang côté conducteur, agoniser sur son siège. Il succombera à ses blessures quelques minutes après avoir été admis à l’hôpital.

VERDICT : enquêtes en cours.

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Abdallah Soidri