Influenceurs du web en Afrique, une génération en marche

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“Influenceurs” : le terme est vague, mais c’est le seul qui puisse désigner correctement cette jeune génération connectée qui fleurit dans de nombreux pays africains. Blogueurs, entrepreneurs, accros à Twitter, développeurs, et parfois tout cela en même temps, les activités des pionniers du net sont légion. Leurs followers atteignent cinq ou six chiffres et leurs talents les rapprochent des géants de la Silicon Valley. Leur impact croît si vite qu’il interroge. Maîtrisent-ils leurs pouvoirs grandissants ? Plusieurs personnalités incontournables du web ivoirien ont évoqué leur avenir lors du débat inaugural du Social Media Club d’Abidjan, qui a posé ses valises dans le dernier né des espaces de coworking en Côte d’Ivoire, Jokkolabs. Le sujet : Quel avenir pour les influenceurs du web en Afrique ? Ils avaient deux heures.

Un regard et du contenu

Pour mettre des mots sur cette notion encore floue, chaque intervenant y est allé de sa définition. « L’influenceur, c’est celui qui a la capacité de peser sur le choix de son entourage, il est doté de charisme et d’un leadership affirmé », commence Edith Brou, dont le blog n’est plus à présenter dans la capitale économique ivoirienne. « L’influenceur repose sur trois piliers : l’audience, la crédibilité et la relation qu’il a avec ses followers » mathématise Guihon Kpessou, consultant à OnPoint Africa, cabinet de conseil en stratégie.

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Le charisme ne suffisant pas, les trois piliers s’acquièrent avec du contenu. L’influenceur n’est pas qu’un porte-voix, c’est un expert dans un secteur qu’il sélectionne. « Il se doit d’être spécialisé, de choisir un domaine, et de créer et booster les tendances dans ce domaine », synthétise Orphélie Thalmas, qui est l’exemple vivant de son propos, elle qui a reçu le titre de meilleure blogueuse ivoirienne en 2014 pour son site dédié aux musiques africaines. Cerise sur le gâteau, le contenu doit être présenté “avec un point de vue”, complète Stéphane Kouakou, directeur de la stratégie à Voodoo communication.


Devenir influenceur, un statut à la portée de tout le monde ?

Jean-Patrick Ehouman, fondateur d’Akendewa, premier espace de coworking d’Abidjan, insiste de son côté sur l’importance de définir une stratégie avant de se lancer. “Sinon, tu es un danger pour toi et pour ton entourage”, avertit celui qui avait été parmi les 50 “Young Leaders” d’Afrique reçus par Barack Obama en 2014.

« Il faut rendre le produit digeste, déterminer son audience, nous sommes avant tout des consommateurs de produits digitaux », préconise Edith Brou, lucide. Car l’avenir des influenceurs est aussi lié à leurs revenus.

« On peut vivre du blogging, mais se lancer n’est pas évident, je ne prendrais pas le risque de tout lâcher pour me concentrer sur mon blog », nuance Orphélie Thalmas.

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« Il faut des milliers de visiteurs quotidiens pour générer assez de revenus », précise Jean Patrick Ehouman. « Mais il y a une infinité de manières de tirer profit de son influence sur internet ». Et Stéphane Kouakou de citer ce recueil issu d’un blog de poésie, qui se vend à plusieurs centaines d’exemplaires en Côte d’Ivoire grâce à une bonne visibilité en ligne.

Les entreprises ont aussi leur rôle à jouer dans l’avenir de ces influenceurs. David Pontalier, chargé du marketing d’Air France en Afrique de l’Ouest,  ne tarit pas non plus d’éloges à leur propos. “On leur fait confiance, on ne leur donne pas de rôle, on veut qu’ils soient avant tout eux-mêmes”, développe-t-il.

Et l’éthique dans tout ça ?

L’influenceur ivoirien du futur sera responsable ou ne sera pas. “Responsable dans tous les sens du terme”, prévient Jean-Patrick Ehouman, qui serait prêt à tout pour défendre un membre d’Akendewa qui aurait des problèmes à cause de la politique de sa structure.

Responsable aussi face aux problèmes de son temps. “A partir d’un certain point, je ne peux plus me retenir d’agir”, s’émeut Edith Brou à l’évocation des dernières crises traversées par son pays. “La responsabilité sociétale est inévitable”, opine Orphélie Thalmas.

 

Cette proximité avec l’actualité fait-elle du blogueur d’aujourd’hui un journaliste en puissance ? Le raccourci serait trop facile, prévient Stéphane Kouakou, qui décerne “une certaine noblesse” à la presse. Une noblesse heureusement non-héréditaire, puisque c’est la formation qui permet de l’acquérir, selon Edith Brou.

Le panorama aurait été plus complet s’il évoquait la place des femmes dans cet essor. Cela tombe bien, c’est justement sur ce sujet que portera le second débat du Social Media Club d’Abidjan, à l’Institut Français, le 11 juillet.

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