« Des Noirs sur les listes il y en aura, mais toi je ne sais pas… »

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municipales 2014

DOSSIER. Dernier round avant le premier tour de ces élections. Leur rôle: assurer une mission, un cadre au plus proche de notre quotidien. Notre ville, rien que ça ! Ils sont Français, candidats aux municipales, Afro-descendants et ont des tas d’idées. Découvrez sur , nos rencontres avec ces citoyens engagés pour leur ville et fiers de leurs origines.

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Nassurdine Haïdiri

Elu politique à Marseille, Nassurdine Haïdiri, 36 ans, était promis à figurer sur les listes socialistes de Patrick Menucci pour les prochaines élections municipales. Ce diplômé de l’institut d’études politique d’Aix-en-Provence, d’origine comorienne, se bat depuis bientôt dix ans pour la ville. Aujourd’hui il se voit mis à l’écart des listes.

Propos recueillis par Dianguina Kouyaté

Comment êtes-vous entré en politique ?

Je suis diplômé de sciences politiques. J’entre dans l’arène politique en 2008 notamment pour attirer l’attention des élus sur la situation des minorités à Marseille. Je deviens alors adjoint aux Sports dans les 1er et 7ème arrondissements. Par la même occasion, je pointe du doigt l’invisibilité de la communauté d’origine africaine au sein de cette même classe politique. Sur ces points, la deuxième ville de France présente une situation catastrophique.

Quel est le climat politique à Marseille ?

Des pratiques malsaines persistent. Avec cette élection, le Parti Socialiste a perdu l’occasion de changer la donne : renverser une bonne fois pour toutes, l’ancien système. Il y a une grande désespérance ici. Les responsables politiques perdent de vue la réalité sociale qui touche les Marseillais. Il faut comprendre que dans cette ville, le plus grand parti, c’est l’abstention !

Avant votre récente mise à l’écart, la situation s’était-elle détériorée pour vous ?

Je n’ai jamais été dans le calcul politique. J’ai toujours eu le courage de mes opinions et de les affirmer. Cela m’a valu quelques ennuis. Pendant la campagne de 2012, j’ai été violemment agressé par les partisans enfiévrés se réclamant de Jean-Noël Guerini. Je ne me suis pas laissé abattre. J’ai tenu bon sur mes convictions en allant même sur certains sujets à l’encontre de mon parti. Exemple : le contrôle au faciès où je me suis frontalement opposé à Manuel Valls.

Mais je ne regrette rien. Cependant j’estime que les listes municipales ne reflètent pas la diversité culturelle marseillaise. Le PS se dit ouvert au multiculturalisme mais en réalité il fait de la diversité cosmétique. Ce qu’il sait faire de mieux. Afficher quelques têtes basanées qu’on instrumentalise dans une démarche purement électoraliste. Ceux d’entre eux qui essaient d’afficher leur indépendance idéologique sont automatiquement écartés.

Auparavant aviez-vous déjà eu le sentiment d’être « lâché » par votre famille politique ?

Je ne réfléchissais pas en ces termes. Il fallait donner pour le peuple et le parti. Je partais d’un postulat très simple : l’engagement se devait être réciproque. Et mon ambition était depuis quelques temps un secret de polichinelle : je désirais être conseiller municipal. Je n’attendais pas « un cadeau ». Mais la reconnaissance de mon travail car je me suis construit au cours de ces années une vraie légitimité politique. Malheureusement je constate à Marseille que lorsque vous êtes noir et que vous vous êtes bâti une crédibilité politique, les tôliers du système vous mettent la tête sous l’eau. Aujourd’hui je suis écouté intellectuellement par un certain nombre. Au même moment le Parti Socialiste m’écarte. Toutefois il ne pourra pas éteindre ma voix sur la scène politique marseillaise. J’ai donné six ans au PS et je n’ai absolument rien reçu en retour. Toutefois j’ai obtenu le respect et la confiance des habitants de la ville et je peux les regarder sereinement dans les yeux. A présent je peux affirmer qu’il faudra compter sur moi pour les cantonales et les régionales. Avec ou sans le PS.

Nassurdine Haidiri portrait

Sans langue de bois, quelles sont selon vous les raisons de votre écartement des listes PS aux municipales ?

Quand le chef de file de votre parti pour les élections vous dit : « Des Noirs sur les listes il y en aura, mais toi je ne sais pas si tu y seras… », j’appelle ça de la discrimination raciste.

On dirait qu’un quota de Noirs est exigé pour montrer patte blanche. Apparemment il n’y a pas de places pour tout le monde. Malgré vos nombreuses années de loyaux services pour la ville, d’après vous pourquoi cela est tombé sur vous ?

Quand vous leur servez la soupe, il n’y a aucun problème. C’est lorsque vous voulez vous attabler que les problèmes apparaissent. Et clairement, moi j’ai manifesté le souhait de m’assoir à table. Cela signifie prendre ma part de responsabilité dans le développement économique et social de Marseille.

Les représentants de minorités se voient souvent attribués des postes de second plan. Avez-vous déjà eu le sentiment d’échapper à la place assignée que l’on vous réservait par le passé ?

Bien sûr ! C’est même le cœur névralgique de ma démarche. J’aurais pu me taire et accepter un petit poste de conseiller d’arrondissement. Mais mon combat est de continuer à réaffirmer, contre vents et marées, que je ne suis pas un nègre de service. Je suis un militant socialiste. Mes prises de positions et mon engagement ont démontré la force de mon volontarisme et de ma capacité d’action. A présent, si je ne suis plus considéré par le parti que j’aie porté, il faut avoir l’audace de dire « non ! » et le courage de ses ambitions.

Je reproche au Parti Socialiste d’avoir fait le jeu des anciens barons du « système ». Car si j’ai été sacrifié, cela a aussi été pour pouvoir réintégrer les vieux loups. Aujourd’hui je ne suis pas le seul à avoir été trahi par le PS. Les habitants de Marseille le sont aussi.

Patrick Mennucci fait volte-face en choisissant de ne pas aller dans le sens du renouvellement des pratiques et du personnel politique. Avec Patrick Menucci, c’est « Le système est mort. Vive le système ! » Il est le symbole de la sophistication des anciens rouages par d’autres moyens. Ses méthodes de management reposent sur le copinage, le clientélisme et la confiscation des pouvoirs.

Marseille n’est pas une ville comme les autres. Pour être maire, il faut avoir deux qualités : un, l’intelligence politique, deux, être humain envers les habitants. Menucci possède la première mais je doute profondément sur la seconde.

Quelles sont vos intentions prochainement ?

Je donnerai des consignes de vote dans les prochains jours car je suis un minimum écouté dans la ville et je continuerai mon travail pour la diversité à Marseille.

Quels seraient vos pronostics quant à l’issue des municipales ?

Toutes les élections intermédiaires sont défavorables au gouvernement en place. Je suis socialiste de cœur. Mais je doute fortement que la campagne que nous menons à Marseille puisse rassembler le plus grand nombre. Au niveau national, je crois que le PS prendra une douche froide. Ce seront des élections compliquées pour nous. Le FN se présente comme un outsider redoutable. Dans la ville, j’imagine un match très serré entre le PS et l’UMP. Et je crois que le FN ne sera pas aussi haut qu’on le prédit. J’en appelle pour cela à la conscience des Marseillais. La ville ne mérite pas d’afficher une vitrine politique pour Marine Le Pen.

Le Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN) a réalisé une étude où elle présente un baromètre contre le racisme en France. Marseille est la dernière du classement. Alors Marseille, une ville raciste ?

Non. Marseille est une ville ouverte mais c’est aussi une ville qui se fait peur. Il y a une explosion de la démographie et le visage de la ville change. Du coup, Marseille se cherche et se trouvera très rapidement.

Quelle image vous êtes-vous forgé au cours des années ?

Je suis le premier à avoir imposé le débat de la représentativité politique au cœur des élections marseillaises. Ma plus grande fierté est de voir entrer au conseil municipal de Marseille des populations jusque-là exclus du paysage politique. Les Marseillais s’en souviendront. D’ailleurs lorsque vous portez une cause juste et que vous ne la portez que pour vous-même, vous ne portez plus rien. J’ai porté un idéal qui est en train de se frayer un chemin à Marseille. Et ça ni Patrick Mennucci ni le PS local ne pourront me l’enlever

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